Classe inversée en TSTMG

Présentation du projet

La classe inversée ? Une rapide définition proposée par l’ENS Lyon :                    Dans une pédagogie de classe inversée, le processus d’apprentissage est « inversé » :
  •   les notions de cours sont étudiées par les élèves d’abord à la maison. Pour cela, le professeur propose des ressources qui peuvent prendre des formes différentes : polycopiés, manuels scolaires, site web, podcast audio, capsule vidéo…
  •  les exercices et activités sont faits en classe individuellement et/ou par groupe»[1] avec l’aide du professeur (le « côte à côte » plutôt que le « face à face »)
La classe inversée a été expérimenté dans le cadre des TRAvaux Académiques Mutualisés (TRAAM) pendant l’année scolaire 2014-2015 auprès des élèves de Terminale du Lycée Adrien-Zeller à Bouxwiller, notamment pour 18 d’entre eux, dans la spécialité mercatique. [1] http://acces.ens-lyon.fr/acces/classe/numerique/mise-en-oeuvre/classe-inversee-une-proposition-de-definition-etendue/ , consulté le 20/10/2015

Concrètement, comment faire ?

1.  Créer son “offre” – les (par)cours Moodle

Étape certainement la plus chronophage, addictive, mais indispensable ! Il s’agit de faire de « l’ingénierie pédagogique », de passer du cahier des charges qu’est le programme d’enseignement, à la définition d’objectifs d’apprentissage précis, au choix de méthodes pédagogiques adaptées, pour ensuite élaborer du contenu qui prend en compte les contraintes imposées par l’outil « moodle » et par nos utilisateurs : nos élèves.

L’enseignant dans cette étape n’est pas seulement un programmeur ou un communicant mais doit surtout être un facilitateur d’apprentissage en apportant un soin particulier au séquencement des « cours », un scénariste qui doit échafauder une stratégie rendant l’élève en fait concepteur de son propre cours.

Moodle, par la diversité des outils proposés, permet d’être inventif, de créer un véritable scénario pédagogique.
Cependant, il est déraisonnable de penser que des cours attrayants disponibles sur moodle suffisent pour garantir les apprentissages des notions et concepts.          
Moodle n’est qu’un média, c’est à dire « un moyen basé sur la technologie, permettant de diffuser et de conserver des informations ainsi que de développer des attitudes, de susciter une rétroaction et de favoriser l’expression »[1]

2. Passer de l’épicerie du savoir à la pédagogie 3.0

« Les médias sont des épiceries du savoir, mais n’ont pas d’influence directe sur l’alimentation (apprentissage) des élèves »[2]. R.E. Clarck

Épicerie du savoir ! Et oui, l’évolution du commerce est riche d’enseignement, l’épicerie d’après-guerre a vécu, les hypermarchés amorcent leur phase de déclin, l’e-commerce connait des progressions à 2 chiffres,….  
Tout comme le commerce, l’enseignement doit évoluer et s’adapter. Nous sommes passé en moins d’un siècle de l’enseignement « jésuite », à l’éducation puis à la pédagogie (après 1968), pour arriver à la pédagogie 1.0 avec l’avènement des NTICEs et d’internet, à la pédagogie 2.0 – celle des réseaux (sociaux, facebook,…) favorisant la collaboration et les projets, et actuellement à la pédagogie 3.0, celle qui se dit autogénérante, fait une place importante à la contribution et à l’engagement de l’élève et qui est porté par la révolution google, les ENT et moodle.

Dans cette pédagogie 3.0, « L’enseignant est un guide qui trouve des situations complexes à faire traverser à ses élèves et qui se place en position de relation d’aide par la suite. L’objectif principal est d’outiller l’élève (transmettre l’information pertinente sur sa progression) et de l’aider quand il le demande. De plus, avec les exigences de plus en plus complexes de la réalité de classe, cette approche soulage la tâche de l’enseignant. Lorsque l’élève s’engage […], l’enseignant n’a plus à tirer ou pousser, à contrôler ou animer, car les tâches découlent de l’engagement des élèves, plus de celle de l’enseignant. »[3].

[1] KOTLER (Philip) & DUBOIS (Bernard), Marketing Management, Pearson Education, 2004, 11° ed , page 635 [2] CLARK (Richard E .), Reconsidering research on learning from media, Review of educational research, n°4,1983, page 445 [3] http://www.stephanecote.org/2014/01/28/tout-sur-la-pedagogie-3-0/ , consulté le 20/10/2015

Comment obtenir l'engagement des élèves ?

La solution peut se trouver dans une procédure assez rigide, laissant peu d’espace à l’improvisation.

La procédure utilisée s’inspire des travaux universitaires menés le Prof. Dr Jürgen Handke de l’Université de Marburg (Allemagne) et testés dans de nombreuses « Handelsfachschulen », l’équivalent allemand de nos lycées technologiques et/ou professionnels.

Ainsi concrètement, après avoir créé le (par)cours sur moodle, la première action à mener consiste à communiquer, expliquer aux élèves les avantages de la solution retenue, mais aussi les « règles du jeu » et les contraintes qu’elle implique.

Au quotidien, une séquence en classe inversée se déroule ainsi en 5 étapes sur deux séances de 3 heures chacune.

 

 

1.1  Phase d’initialisation

Une semaine avant de traiter le chapitre prévu, la page de garde du « dossier élève » sur papier afférent au chapitre est distribuée et commentée, notamment les objectifs à atteindre, les attendus sur la question analytique à rédiger, et les délais à respecter.  Durée approximative : ¼ d’heure

1.2  Phase d’at(h)omisation

Les apprenants disposent à présent d’une semaine pour suivre le parcours moodle proposé et prendre connaissance des éléments théoriques fournis sur la plateforme. Pendant cette étape, l’apprenant doit prendre des notes – idéalement manuscrites, notes qui viennent enrichir le « dossier élève » sur papier, en page 2 de celui-ci, il aura rappelé le plan du cours moodle et consigné explicitement les points, notions ou outils qu’il aura compris, et ceux qu’il n’aura pas compris. L’investissement temps nécessaire à ce travail est estimé à une heure par semaine. Pour la réponse à la question analytique posée, ½ heure semble nécessaire et raisonnable.

1.3  Phase de remédiation (d’explicitation)

En présentiel, une carte heuristique est construite avec les différents points, notions ou outils vus dans le cours moodle, les concepts non compris sont mis en évidence, et le groupe est invité à construire ensemble une explication de la notion traitée. L’enseignant enrichi ce travail collaboratif par l’apport de vocabulaire et/ou d’explications complémentaires. Cette phase nécessite en moyenne ¾ d’heure (+/- ¼ d’heure selon la complexité du chapitre).   
De cette étape, les élèves peuvent construire le nuage de mots à faire figurer en page de garde de leur dossier.

1.4 Les applications

C’est le cœur du dispositif : le « learning by doing ». Des exercices, en relation avec le sujet traité, sont proposés à différents groupes constitués de 3 ou 4 élèves, (il s’agit souvent d’extraits d’étude de cas stg, stmg, voire bts), ils disposent de deux heures pour résoudre le problème spécifique – toutes les ressources, numériques ou traditionnelles (CDI, livres,…), sont autorisées, le recours à un ami ou à un expert (l’enseignant) est autorisé. La production attendue se doit d’être complète, argumentée et justifiée, elle peut comporter une production de type PréAO permettant de présenter le problème étudié et la solution proposée.              
L’enseignant dans cette phase est la personne ressource, le facilitateur, l’aiguillon qui peut impulser une réflexion différente,…

Pendant cette étape, dès la mission achevée, les élèves mettent à profit le temps alloué –souvent surestimé- pour rédiger leur réponse à la question analytique proposée.

1.5 Les contributions

La séance suivante, chaque groupe dispose de 10 minutes pour présenter oralement, avec ou sans support numérique, le problème traité et la proposition de solution. Proposition qui donne lieu à un échange avec le restant du groupe classe et doit amener à une solution consensuelle. Les contributions viennent souvent enrichir la solution initiale.  
Le rôle de l’enseignant est ici celui d’un animateur et d’un modérateur. Il faut prévoir, pour 5 groupes, en moyenne 1h30 voire 2 heures pour cette étape, à l’issu de laquelle, la synthèse « officielle » est rendue accessible sur moodle et commentée par l’enseignant – charge aux élèves de le télécharger ultérieurement, si nécessaire.

Dans le dernier quart d’heure, le chapitre suivant est initialisé.

Le dossier élève est ramassé et évalué de façon aléatoire sans communiquer ni la note ni d’observations à l’élève, la note éventuelle contribue à une note trimestrielle ayant un coefficient dans la moyenne équivalent à un devoir sommatif de type examen.

 


Retour d'expérience

Perception des apprenants. Plus qu'un long discours,des paroles d'élèves, (captées le mardi gras, qui particularité de Bouxwiller, a lieu le jeudi !!)

et côté enseignant

« Nemo judex in causa sua » Nul ne peut être à la fois juge et partie.

Après 5 mois de classe inversée avec Moodle, il appert que cette pratique pédagogique apporte une réelle plus-value aux élèves dès lors que l’adhésion des apprenants est acquise, c’est-à-dire qu’ils puissent constater de réels progrès dans leur apprentissage et dans leur comportement face aux différentes situations problèmes aux quelles ils se trouvent confrontés.

Cette adhésion nécessite un effort de communication et d’explication important en amont et implique une relation enseignant – outil -  apprenant bâtie sur la confiance. 

Autre facteur clé du succès est sans nul doute de proposer le bon dosage de la charge de travail à réaliser à la maison, dès lors que cette charge de travail dépasse 90 minutes sur une période d’une semaine pour prendre connaissance des notions sur la plateforme, on assiste à un décrochage important. Empiriquement, j’ai déterminé la charge de travail hebdomadaire « Moodle » optimale à une heure/semaine.

Enfin, la classe inversée doit être parfaitement cadrée, une procédure établie et formalisée.       
Le protocole que j’ai mis en place cette année, inspiré des travaux du Prof. Dr Jürgen Handke de l’Université de Marburg (Allemagne), me semble adapté à nos élèves mais nécessite quelques amendements.

La pratique de la classe inversée sera poursuivie en 2015-2016, bien entendu en spécialité mercatique en Terminale, mais aussi en Économie Droit, à la fois en Première et en Terminale, en fonctionnement "classe hybride".

Par ailleurs, l’outil Moodle recèle encore de nombreuses possibilités que je n’ai pas explorées à ce jour, aussi je pense me consacrer à rechercher des possibilités pour rendre les élèves éditeurs et concepteurs de contenu.