samedi 21 décembre 2024

Le format IIIF pour l’enseignement

   

    Nicolas Bannier

   

L’International Image Interoperability Framework (IIIF - lien vers le site officiel, en anglais) est un standard ouvert qui permet de partager et d’interagir avec des images numériques de haute qualité sur le web.   
Utilisé principalement par des institutions culturelles comme les bibliothèques, musées et archives, le format IIIF a un impact significatif sur la manière dont les images patrimoniales (manuscrits médiévaux, cartes, gravures…), sont accessibles et exploitées. Pour les enseignants, en particulier dans les domaines de la littérature, de l’histoire, et de l’art, IIIF représente un nouvel outil pédagogique. En effet, il peut, sans téléchargement, dans un visualiseur, afficher et manipuler Les images mises à disposition par les institutions culturelles, en zoomant, comparant et annotant ces images.   

   

Par exemple, si on s’intéresse à la numismatique de l’époque macédonienne, sur le site de la bibliothèque d’Harvard, on peut accéder à plusieurs pièces de monnaie de l’époque d’Alexandre le Grand.

   

Il est possible de manipuler et d’annoter chaque pièce aisément :

   

Tetradrachme d'Al'exandre le Grand, sur le site de la bibliothèque de Harvard, avec les outils d'annotation disponibles.

   

ou de créer des collections permettant de les comparer :
   

   

Deux exemples de collections qui permettent de comparer aisément les images entre elles

  

Il est également aisé de faire apparaître les annotations ajoutées par l’institution :

  

Exemple de collection d'images annotées

   

Le site du ministère de la culture propose une présentation détaillée de ce format. (IIIF pour les musées de France)

 

1. Le format IIIF : une opportunité pédagogique pour l’école

   

L’accès à des documents rares et précieux est souvent limité par des contraintes physiques ou géographiques. Le format IIIF supprime ces barrières en rendant disponibles des manuscrits et œuvres d’art numérisés sur une interface accessible en ligne. Ce format permet :

  • Une consultation interactive : les élèves peuvent zoomer sur des détails infimes d’un manuscrit, observer les enluminures et les annotations, comme s’ils avaient l’original sous les yeux.
  • Une mise en contexte des documents : grâce à des outils d’annotation et de visualisation, les enseignants peuvent mettre en relation les images avec les textes étudiés en classe, créant ainsi un apprentissage plus visuel et dynamique.

2. Utilisation pédagogique de IIIF pour l’enseignant

Pour illustrer le potentiel pédagogique de ce format, prenons l’exemple des manuscrits de Marie de France, autrice médiévale célèbre pour ses Lais et Fables. Grâce au format IIIF, un enseignant peut facilement mettre à disposition des élèves des images numérisées de ces manuscrits directement dans le cadre du cours.

   

Voici comment cela peut être utilisé en pratique :

  • Analyse des manuscrits originaux : L’enseignant peut proposer aux élèves de travailler sur les manuscrits numérisés de la Bibliothèque nationale de France, comme le manuscrit BnF Français 2173, qui contient des portraits de Marie de France et d’Ésope. Les élèves peuvent comparer ces portraits, observer l’iconographie médiévale, et analyser la manière dont l’image renforce la portée didactique du texte. Ils pourront ainsi mieux comprendre le rôle de Marie de France en tant qu’autrice et traductrice.

   

BnF. Département des Manuscrits. Français 2173 (1201-1300)

   

  • Étude de la transmission du savoir : le format étant interopérable et pouvant donc fonctionner aisément sur différents systèmes de visualisation, les élèves pourront aisément comparer plusieurs de manuscrits hébergés dans des bibiothèques différentes, comme ceux de la Bibliothèque de l’Arsenal (Ms-3142) ou de la Bibliothèque du Vatican, qui permettent aux élèves de comprendre l’évolution de l’iconographie et de la représentation de la figure de l’autrice au cours du Moyen-Âge.

   

BnF. Bibliothèque de l'Arsenal. Ms-3142 (1275-1300)

   

Manuscrit Ottob. lat. 3064 de la Bibliothèque du Vatican (1401 - 1425)

   

  • Zoom sur les détails : Grâce aux fonctions de zoom interactif, les élèves peuvent examiner de près les enluminures, les initiales historiées, ou encore les annotations des scribes.

3. Utiliser Gallicarama pour une exposition virtuelle : l’exemple de Manon Lescaut

En complément du format IIIF, des outils comme Gallicarama tirent parti des possibilités offertes par ce format pour permettre aux enseignants et aux élèves de créer des expositions virtuelles à partir d’images d’œuvres patrimoniales.

   

Prenons l’exemple d’un projet autour du roman Manon Lescaut de l’abbé Prévost. L’enseignant peut demander aux élèves de réaliser une exposition virtuelle chronologique des éditions de Manon Lescaut à travers les siècles.

    

Étapes d’utilisation de Gallicarama en classe :

   

1. Sélection des images : En utilisant Gallicarama, les élèves peuvent accéder aux différentes éditions de Manon Lescaut numérisées par Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF

   

Il est cependant plus efficace de faire une recherche dans Gallica puis de copier les liens des documents pertinents dans Gallicarama.

   

Ainsi, si l’on recherche dans Gallica des éditions de Manon Lescaut, on peut aisément sélectionner différentes éditions illustrées et les classer chronologiquement pour comparer différentes illustrations d’un même épisode et faire créer une exposition annotée.

   

Capture d'écran du site Gallica : exemple de recherche dans la bibliothèque numérique

   

2. Création des scènes : Une fois toutes les images de Gallica importées dans la galerie, pour chaque édition sélectionnée, les élèves créent une “scène” dans Gallicarama et ajoutent l’image de leur choix.

   

3. Enrichissement de l’exposition : Grâce aux options interactives, les élèves peuvent ajouter des légendes, des sous-titres ou des commentaires expliquant les différences entre les éditions.

   

Exemple de création d'une "scène" avec Gallicarama

   

Ainsi, dans Gallicarama, une “scène” correspond-elle à une brève unité narrative, constituée d’une image et d’une annotation. Il est possible d’utiliser une même image dans plusieurs scènes, avec des cadrages différents, comme dans cet exemple proposé par la BNF. Lien :

https://gallicarama.bnf.fr/?iframe=5440752a-d95b-4990-9c09-77aae511db9a

   

4. Production finale : À la fin du projet, les élèves exportent leur travail sous forme de vidéo ou d’exposition interactive. Cette exposition virtuelle peut être partagée avec le reste de la classe, voire avec un public plus large via un blog scolaire ou un projet collectif.

   

Exemple de production finale avec Gallicarama

Conclusion

Le format IIIF et des outils comme Gallicarama permettent un accès direct et interactif à des documents historiques et littéraires. Que ce soit pour étudier les manuscrits de Marie de France ou pour créer des expositions virtuelles autour de Manon Lescaut, ces technologies offrent de nouvelles opportunités de rendre l’apprentissage plus dynamique et adapté aux pratiques numériques actuelles.

Ressources complémentaires

  • IIIF pour les musées de France. Lien
  • Qu’est-ce que IIIF ? Lien
  • Gallicarama : Faites parler les images ! Lien

  • Chantal A. Maréchal, "Marie de France as "Sapientia": Author Portraits in the Manuscripts of the "Fables"", Le Cygne, No. 3 (Spring 1997), pp. 45-58