1.2. Un journal de lecture, certes, mais numérique ?

Il pourrait sembler paradoxal de choisir un format numérique pour écrire un journal de lecture. L’outil numérique n’introduit-il pas une distance là où on voudrait au contraire mettre en place un espace d’écriture personnel ?

 

Pourtant, dès 20111, Sylviane Ahr envisage que l’on pourrait donner au journal de lecture un format numérique. Pierre Moinard dans la revue Diptyque 25 analyse d’ailleurs l’usage du blog et du forum comme cahier de lecture.

 

En effet, le journal de lecture a pour fonction de garder la trace d’une lecture personnelle, certes, mais objectivée par l’écriture. Par ailleurs, l’utilisation que nous avons faite des stratégies de lecture, renforce encore selon nous cette mise à distance.

 

Ainsi l’environnement numérique que les élèves ont utilisé constituait un lieu d’écriture dans lequel nous avons cherché cherché à concilier une lecture personnelle avec une mise à distance critique, induite naturellement par la médiation de l’outil proposé.

 

Entre papier et numérique

 

Dans le travail réalisé cette année, l’immense majorité des textes ont été lus dans des exemplaires papier tandis que le journal était tenu dans l’ENT. L’usage de ces deux supports nous a amené à nous demander comment il était possible de les concilier au cours de la lecture.

 

Nous avons ainsi expérimenté par exemple l’utilisation du marque-page, incité les élèves à annoter leur exemplaire papier, avant de faire un retour réflexif dans leur journal de lecture.

 

Par ailleurs, si plusieurs enseignants et élèves ont souhaité que les journaux de lecture numérique puissent être imprimés (voir la tutoriel développé pour l'impression du journal de lecture), finalement, peu d’entre eux l’ont fait.

 

Enfin, nous avons renoncé à un aspect souvent associé au journal de lecture : son aspect esthétique. Les accompagnements de programme du lycée expliquent en effet que

 

le carnet de lecture peut aussi intégrer et accueillir un espace de création artistique.

 

Cet aspect est souvent associé à l’univers esthétique personnel de l’élève-lecteur. Sylviane Ahr note également

 

l’accent mis sur la dimension esthétique de l’objet même : elle est la marque de l’appropriation par le sujet lecteur non seulement de l’objet mais aussi et surtout des expériences de lecture dont il garde trace.

 

Cependant, tenant peut-être compte des critiques soulevées par Sylviane Ahr2, ces mêmes documents précisent que

 

ce travail accompagne sans s’y substituer le travail de lecture et d’écriture.

 

L’environnement numérique expérimenté ne permettait pas de disposer d’un tel espace de création artistique : il présente en effet une interface uniforme et sobre. Cet aspect n’a cependant pas semblé gêner les élèves.

 

Il aurait toutefois été possible de profiter des nombreuses traces laissées dans le journal de lecture à propos de telle ou telle œuvre, pour proposer des activités créatives et artistiques, pour produire, par exemple, des riches documents multimédia. Cette piste reste encore à explorer.

 

Journal individuel ou collectif ?

 

Contrairement aux blogs et aux forums analysés par Pierre Moinard, l’environnement numérique que nous avons mis en place est beaucoup plus proche du journal de lecture utilisé habituellement. En effet, contrairement aux blogs, les écrits des élèves ne sont pas publics, et, contrairement aux forums, ceux-ci ne s’inscrivent pas dans une conversation3.

 

Cependant, l’environnement est suffisamment souple pour que les élèves puissent rendre publics, s’ils le souhaitent, leurs écrits et ceux-ci peuvent alors être commentés par leurs camarades4.

 

Très largement, les élèves ont choisi de publier leurs textes et, au sein d’une classe, tous étaient curieux de la lecture que chacun avait proposée d’un même texte.

 

Le format numérique du journal de lecture permet ainsi de faire partager les lectures et de renforcer les échanges aux sein de la

classe.

 

Le journal de lecture au sein de l’ENT

 

Le journal de lecture tel que nous l’avons proposé n’est pas un espace d’écriture à part : il se situe à l’intérieur de l’ENT dans lequel les élèves trouvent une grande partie de leurs cours.

 

L’activité d’écriture n’est donc pas pour eux coupée des autres activités du cours de français : au contraire, elle s’inscrit comme une activité parmi d’autres qui peuvent être réalisées aussi bien en classe qu’à la maison.

 

De même l’enseignant peut profiter des interactions souples entre les différentes activités permises par l’ENT, faisant par exemple suivre (ou précédé) des éléments de cours d’un travail sur le journal de lecture, ou bien articulant activité d’écriture libre dans le journal et évaluation formative de la lecture à travers un QCM.

 

 

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Journal de lecture et compétences numériques

 

Si l’activité du journal de lecture a pour principale fonction de développer les compétences de lecture des élèves, dans le même temps, ceux-ci développent également leurs compétences numériques.

 

Écrivant dans le journal de lecture numérique, les élèves apprennent à

  • Partager et publier

  • S’insérer dans le monde numérique

  • Développer des documents textuels

  • Protéger les données personnelles et la vie privée


 

Notes

 

  1. Sylviane Ahr, Le carnet de lecteur de littérature au collège et au lycée : un dispositif expérimental misant sur une nouvelle approche de l’interaction lecture-écriture. Diptyque, 21
  2. “ Le plaisir que la conception de l’objet procure est-il assimilable au plaisir de la lecture? L’expérience de lecture ne risque-t-elle pas de se diluer dans une activité de tout autre nature ?
  3. Par contre, les écrits des élèves sont tous accessibles par l’enseignant.
  4. Il est également possible de permettre aux élèves de rendre publiques certaines de leurs entrées