Utiliser les vidéos en ligne
Depuis plusieurs années, la commission TICE de l’académie de Strasbourg a engagé une réflexion sur l’utilisation de la vidéo en classe.
Quoi de neuf là dedans ? Si elle fait indéniablement partie des technologies de l’information et de la communication, la vidéo est elle vraiment une « nouvelle technologie » ? On peut effectivement en douter en regardant son vieux magnétoscope et son vieux poste de télévision.
Ma réflexion sur l’utilisation de la vidéo a commencé au moment où je débutait dans l’enseignement et que je changeais chaque année d’établissement. Le temps de commander les supports vidéo qui m’intéressaient, l’année scolaire était terminée.
Je me suis donc mis à imaginer des ressources vidéos toujours à ma disposition, que je puisse utiliser sans passer par un bon de commande et sans ponctionner le budget alloué aux SES.
Et c’est là que, avec les membres de la commission TICE, nous nous sommes mis en quête de ce type de ressource : quelles vidéos étaient disponibles en ligne, sur Internet ?
Où trouver des vidéos ? Quelles vidéos ? Nous pouvons classer les ressources disponibles en plusieurs catégories.Tout d’abord, il existe de nombreuses vidéos sur des sites universitaires spécialisés (ENS, Canal U, archives audiovisuelles de la recherche, téco…). Ces vidéos sont intéressantes pour la formation continue des enseignants, mais de par leur niveau et leur longueur, elles sont peu adaptées à une utilisation directe avec les élèves.
Nous pouvons trouver de nombreuses vidéos sur les sites communautaires que sont dailymotion ou youtube. On remarquera d’ailleurs que de grands quotidiens nationaux renvoient régulièrement à des vidéos hébergées par ces sites, ce qui entretien le doute quant à la liberté d’utiliser ces vidéos avec les élèves. On peut noter aussi que certaines vidéos publiées sur ces sites le sont dans la légalité (on trouvera par exemple sur youtube les vidéos postées par le site identiténationale).
Nous avons néanmoins décidé de ne pas nous attarder sur ces vidéos car elles sont souvent postées par d’autres que ceux qui les ont produites. Il nous a semblé que la stabilité et la légalité de ces ressources étaient douteuses et nous avons choisi de ne pas exploiter cette veine. D’autant plus que de nombreux établissements ou académies bloquent ces sites.
Nous avons alors fixé un cahier des charges. Nous cherchons des vidéos qui présentent ces caractéristiques : libres de droits pour être utilisées en classe, plutôt courtes, du niveau d’un élève de SES (ce qui élimine les nombreuses sites proposant des conférences universitaires), archivées au moins six mois et gratuites.
Bien sûr, il existe des ressources intéressantes sur des sites ne correspondant pas à ce choix (lesitetv par exemple).
Il reste alors deux catégories de vidéos :D’une part des vidéos construites avec un objectif pédagogique, construites ou choisies pour enseigner. Certaines sont des notions du cours de SES expliquées par des économistes (écodico), d’autres ne sont pas destinées précisément à nos élèves mais sont plutôt adaptées à leur niveau (curiosphère, Canal éducatif, les écrans du social).
D’autre part des vidéos répondant parfaitement à notre cahier des charges mais n’étant pas destinées spécifiquement à l’enseignement et que l’on trouve principalement sur les sites de grands média (Tf1-Lci, France Télévision, Libélabo, Les échos, mais aussi le site de l’INA qui regroupe des archives d’émissions ou de JT, et de publicités).
On peut donner à titre d’exemple une recherche effectuée sur le thème de l’identité nationale (au programme de l’option sciences politiques en première ES) sur les sites de l’INA (www.ina.fr) et de France Télévision (http://info.francetelevisions.fr).On faut souligner que le site de France Télévision vous proposera d’installer le logiciel Microsoft « silverlight ». Cette installation n’est pas nécessaire pour accéder aux vidéos. Il faut cliquer sur « utilisation simplifiée ». L’installation facilite la navigation et la recherche de vidéos. Néanmoins lorsqu’on affiche une vidéo avec Silverlight, on n’a plus accès à son adresse. Pour conserver un lien vers cette vidéo, il faut alors cliquer sur la fonction « envoyer à un ami », la petite enveloppe en bas de page, et se l’envoyer soi même. On reçoit alors par mail le lien vers la vidéo.
C’est sur cette dernière catégorie de ressources que nous nous concentrerons pour proposer des séquences pédagogiques. En effet, on trouve sur ces sites des vidéos répondant parfaitement à notre attente : elles sont archivées depuis plusieurs années, accessibles par moteur de recherche, elles sont courtes (les JT sont découpés par sujets, souvent de 2 à 3 minutes), complètement adaptées au niveau de nos élèves (extraits de journal télévisé ou d’émission), un résumé indique leur teneur.
On peut retrouver tous les sites présentés ci dessus sur le site SES de l’académie de Strasbourg. Où, quand, comment utiliser la vidéo en ligne ? Nous donnerons ici plusieurs exemples de séquences, montrant des possibilités d’utilisation de la vidéo en ligne avec les élèves, mais ne détailleront vraiment que le premier exemple d’utilisation de ces vidéos.Ce dossier a été réalisé pour des terminales ES et porte sur la partie « protection sociale et solidarités collectives » du chapitre « Intégration et solidarité ».
Cette activité a été réalisée dans le cadre de travaux académiques mutualisés, travaux d’expérimentation pédagogique pilotés par la sous direction TICE du ministère de l’éducation nationale et réunissant plusieurs Académies sur un même projet. Le projet étant ici de réfléchir à un usage hors classe de la vidéo en ligne.
Les élèves travaillent donc hors classe pour préparer le cours. Il leur est distribué un guide qui couvrent l’ensemble de cette partie du cours. Ils disposent d’une version papier sur laquelle ils peuvent noter directement leurs réponses et d’une version numérique, postée sur l’environnement numérique de travail, qui leur permet d’avoir accès aux liens hypertextes. Ce guide dirige les élèves vers les sites de vidéos en ligne et d’informations statistiques et regroupent les outils d’analyse de ces ressources en ligne sous forme de questions ouvertes, de synthèses à trous, à choix multiples, des tableaux à compléter…
L’utilisation de la vidéo doit permettre de donner vie aux « acteurs » de ce chapitre : politiques, syndicats, professionnels, bénéficiaires - usagers…de la protection sociale. Elle doit permettre aussi d’approfondir les débats du cours en les reliant à des questions d’actualité.
Le travail en autonomie va permettre à l’élève d’arriver en cours en maîtrisant déjà les idées essentielles du cours. Ce qui lui permet de poser des questions plus pertinentes d’éclaircissement, de complément…
Sous cette forme, le cours sur le chapitre « Protection sociale et solidarités collectives » a pris 8 heures en classe. En moyenne, les élèves avaient 3 fiches à remplir pour une séance de 2 heures (tous les 2-3 jours).
On peut noter que certains collègues ont choisi d’utiliser ce support en classe, en faisant travailler les élèves en salle informatique à deux par poste (dans une classe de 24 élèves). Cela va permettre de ne pas faire de correction « magistrale » des fiches mais de passer au fur et à mesure de l’avancement des fiches dans les groupes afin d’adapter la correction aux besoins des élèves. En effet les fiches sont construites de façon à guider les élèves et on se rend compte que la plupart des élèves ne font aucune erreur.
On peut noter aussi que dans le cadre des travaux académiques mutualisés, l’académie de Grenoble a transformé ces fiches guides en exercices interactifs.
http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/ses/Content/LOG/AAM.htm Nous avons utilisé ces vidéos en ligne en classe.Elles sont utilisées dans un cours dialogué, projetées en classe. La vidéo est alors utilisée comme tout document, et en alternance avec des textes, documents statistiques… afin de construire le cours avec les élèves. Nous avons sélectionné de nombreuses vidéos qui illustrent le chapitre de première : « la coordination par le marché » et les intégrons dans une progression sur ce chapitre avec un questionnaire sur chaque vidéo.
Elles sont aussi utilisées en salle informatique, dans un travail en autonomie.
Nous donnons aux élèves des vidéos à visionner sur le thème des mouvements sociaux et les élèves remplissent un tableau afin de bien comprendre la différence entre mouvement traditionnel et nouveaux mouvements sociaux. C’est le type d’activité que je conseillerais à un collègue qui veut expérimenter pour la première fois l’utilisation de vidéos en ligne.
Nous avons utilisé ces vidéos en ligne, hors classe, en aval du cours, pour revoir des notions de cours.
Nous proposons aux élèves, en ligne, des exercices de révision d’une notion (l’acculturation par exemple), qui mêlent un diaporama présentant la notion, un lien vers une vidéo qui l’illustre et un exercice interactif qui permet à l’élève de faire le lien entre la définition de la notion et un exemple concret.
Pourquoi utiliser ces vidéos en ligne ?
La vidéo permet de fixer l’attention des élèves, qui sont captivés par l’image et le son. Si cette attention s’émousse sur une vidéo longue, on peut le voir parfois avec un film, ils restent concentrés si on alterne vidéo courte et questionnaire.
Ces vidéos « parlent » aux élèves. Loin des documents austères que l’on trouve parfois dans les manuels, souvent extraits de manuels universitaires, ces vidéos montrent la réalité des sujets que nous abordons avec eux.
J’insisterais ici sur l’importance, la force de l’exemple. Le travail du journaliste est inscrit dans la réalité, le concret, l’immédiat lorsque nous prenons du recul, nous sommes dans la théorie, la réflexion. Mettre les deux en relation nous permet à la fois de donner de la chair, du corps à notre enseignement et de montrer aux élèves qu’ils peuvent comprendre l’information, la décrypter grâce aux sciences économiques et sociales. Par exemple, parler des mouvements sociaux sans entendre, ni voir ses acteurs reste quand même très théorique. En même temps, l’élève ne pourra plus voir des manifestations au journal de 20h sans penser à son cours de SES.
Quelles difficultés ?Les difficultés sont avant tout d’ordre technique. Elles ne sont donc pas insurmontables. Néanmoins, elles peuvent rebuter le professeur s’il ne s’y est pas préparé.
Pour lire les vidéos, il faut un lecteur intégré au navigateur. La plupart du temps, ces lecteurs (Quicktme, Mediaplayer, lecteur flash) sont déjà intégrés et il n’y a rien à faire. C’est le cas lorsque l’on teste les vidéos à son domicile. Néanmoins, cela se complique pour une utilisation dans son établissement puisqu’en général les droits d’installation et de mise à jour sont réservés à l’administrateur du réseau. Il faut donc toujours tester l’affichage des vidéos dans l’établissement et demander le cas échéant à l’administrateur, à la personne ressource informatique de faire les réglages nécessaires (en général l’installation des trois logiciels précédemment cités ou le déblocage de certains sites filtrés par l’établissement ou le rectorat). Ces difficultés peuvent apparaître lors de la première utilisation d’un site mais une fois les installations réalisées, elles ne sont plus à refaire.
Les élèves peuvent rencontrer les mêmes difficultés à leur domicile et il faut donc pouvoir les orienter et surtout leur faire faire un test avant de leur donner un travail dans un délai court.
Si elles sont gratuites, la plupart des sites utilisés proposent des publicités soit sous forme de bannières autour de la vidéo, soit sous forme de vidéo à visionner avant la vidéo désirée. Cela pose bien sûr un gros problème. On peut le résoudre en limitant le choix des sites utilisés à ceux exempts publicité. C’est le cas aujourd’hui des sites de France télévision et de l’INA.
Enfin, la stabilité des ressources peut aussi être problématique. Si le choix d’archives longues a été privilégié, cela n’empêche pas que les liens puissent changer, que certaines vidéos disparaissent (cela a été le cas pour de nombreuses vidéos sur le site de tf1 choisies pour l’activité sur la protection sociale), ou que certaines vidéos gratuites deviennent payantes (c’est le cas pour la vidéo sur l’acculturation sur le site de l’INA). Néanmoins cela reste marginal et trois ans après nos premiers travaux, la plupart des vidéos utilisés sont pérennes.
S’il faut retenir deux éléments de notre expérience sur l’utilisation de la vidéo, pour le professeur qui n’a jamais utilisé de vidéos en ligne avec ses élèves, c’est qu’au niveau technique, il doit vérifier que ces vidéos s’affichent dans la salle dans laquelle il va les utiliser (et sous une session élève) ; et qu’au niveau pédagogique, il faut préparer un guide pour les élèves, ne pas les laisser seuls face à l’image et au son, accompagner leur réflexion.
Vous verrez alors les élèves se passionner pour des sujets parfois austères ou pour lesquels nous avions nous des référents visuels mais qui échappaient aux élèves. Il faut rappeler qu’en 10 ans le temps d’écoute global (toutes chaînes confondues) des jeunes de 15 à 24 ans a baissé de 6,9 % et même de 22 % pour les chaines hertziennes qui diffusent les journaux télévisés (Selon Médiamétrie, avril 2009) Trois jeunes sur dix ne regardent plus jamais Tf1, France2 ou M6. Et s’ils regardaient la télé en classe…