jeudi 2 mai 2024

La prise de notes

 

Synthèse des activités du groupe de travail durant l'année

2022-2023

 

Document réalisé par Nafissa Haidar (1), Stéphane Clerjaud (2), Clément Foerster (3) et Pierre Labrousse (4), sous la supervision de Yann Martin, IA-IPR de Philosophie.

 

 

Quelques méthodes pour inviter les élèves à une prise de notes philosophique

 

Le travail de ce groupe de réflexion sur la prise de notes (PDN) part du constat d'une difficulté communément partagée et exprimée par les élèves dans le cours de philosophie durant l'année de Terminale : Comment prendre des notes en philosophie ? ou Que prendre en notes ? ce qui revient à demander Que faire du cours ? Autant de questions qui rendent compte du désarroi de certains, mais aussi d'une certaine appréhension, pour ne pas dire d'une angoisse liée à la nouveauté de la discipline, à la singularité de ses approches et questionnements, aux méandres du cheminement philosophique, aux répétitions et reprises, aux apartés d'un cours. Le désintérêt de certains de nos élèves ou même le renoncement à tout effort d'autres n'est quelquefois que l'expression d'une incapacité à gérer seuls les obstacles auxquels ils se heurtent (et auxquels le cours n 'apporte pas de réponse.). C'est donc dans un double souci que notre groupe de réflexion sur la PDN a travaillé : celui d'aider les élèves à s’approprier le cours ; celui de l'enseignant qui se doit de répondre aux difficultés rencontrées par les élèves. Dans les deux cas, il s'agit bien de prendre conscience du cours comme d'un acte de philosopher, dont le but ne peut être pour les uns de recevoir simplement une parole dont il est possible de disposer sans un travail de compréhension (exigé par la prise de notes) et pour les autres, de livrer cette même parole sans prise en compte de la manière dont celle-ci sera reçue, comprise, mémorisée. La prise de notes est toujours plus et autre chose qu’une simple prise de notes.

Nous appuyant sur le constat dressé dans ce préambule, le document proposé s'organise en cinq grands points, présentés sous forme de tirets. Nous avons d'abord établi en quelque sorte les causes qui provoquent la difficulté de la PDN, son étiologie (la figure du philosophe-médecin n'est pas loin), et donné déjà quelques éléments de remédiation. Ce premier moment — Ce qu'il faut éviter de faire ; Ce qu'il est utile de faire — souligne comment certaines manières de faire cours compliquent la PDN. Le cours magistral par exemple, qui ne laisse aucune place à l'élève et en fait le réceptacle, passif, d'une parole exclusive, celle de l'enseignant. Cette première entrée interroge également l'efficacité de l’ordinateur pour la PDN, au détriment de la PDN manuscrite, et énonce un ensemble de conseils. Développant les éléments utiles, le second moment propose des exercices spécifiquement consacrés à l'apprentissage de la PDN, individuelle. Là où le troisième temps — La prise de note collaborative — donne des solutions à l'échelle de la classe. La dernière partie — Exercices en amont ou en aval — insiste sur l'importance dans la PDN de la compréhension, par l'élève, non seulement du travail qui lui est demandé, mais de la nature et la spécificité de l'exercice philosophique. Dans toutes nos réflexions, il nous a paru que la PDN est une difficulté qu'il appartient au cours de philosophie de prendre en compte.

Nous avons pleinement conscience de l'imperfection de ce travail, qui n'a d'autre prétention que de mettre en évidence l'importance de la PDN et à défaut de méthode, de suggérer malgré tout des pratiques, qui sont autant d'exemples et de conseils que nous soumettons à votre jugement, mais jamais des règles.

 

 

1. Ce qu'il faut éviter de faire (a), ce qu'il est utile voire indispensable de faire (b)

 

1a.  Ce qu'il faut éviter de faire :

 

> Dans la manière de faire cours :

— Le discours fleuve, monologique, sans scansion, sans aucun moment, même court, de dictée. Le risque : que le professeur s’enferme dans un monologue qui ne lui permet pas de s’assurer de la compréhension de ses élèves, relégués au rang d’auditeurs passifs. La prise de notes n’est possible que si un contact s’établit entre le professeur et ses élèves.

De courts moments dictés ne sauraient remédier par eux-mêmes à ce défaut, s’ils ne sont pas adossés à des séquences d’échanges avec les élèves.

— Le cours intégralement dicté. Il place, comme dans le précédent cas de figure, l’élève dans une situation de récepteur passif, dans la mesure où il a toutes les chances de transcrire mécaniquement un discours qu’il peut difficilement s’approprier. Le professeur s’expose par ailleurs à se désengager de l’exercice philosophique qu’il est censé réaliser en situation. Cela revient à partir du principe qu’une pensée pourrait se contenter de répliquer son acte initial, sans avoir à se remettre en jeu dans la situation pédagogique présente.

— La distribution systématique du cours intégralement rédigé sous forme imprimée (ou par exemple téléchargée via moodle).

— Le cours intégralement projeté en diapos de type power-point.

Dans les deux cas, l’élève reste extérieur au contenu. Il peut se contenter d’une lecture superficielle. Le cours se présente comme une entité massive, auto-constituée, qui n’appelle aucun engagement de la part de l’élève.

Cela ne disqualifie pas certains usages de moodle, où peuvent par exemple être mis à la disposition des élèves des synthèses, des rappels, des outils conceptuels (propres à être employés pour la réalisation de travaux ultérieurs). Il ne s’agit cependant pas d’en faire une pratique systématique, étant donné que cela peut favoriser des habitudes aux effets démobilisateurs chez les élèves (dès lors qu’ils se sentent assurés d’obtenir ce qu’ils n’auraient pas à réaliser par eux-mêmes, en mobilisant leurs capacités).

De façon générale, il s'agit d'éviter toute pratique qui favorise une posture passive des élèves, en les plaçant dans la situation de consommateurs. L'idée de l'élève acteur de sa formation pourrait avoir tout son sens ici.

 

> Dans la manière dont les élèves sont invités à prendre des notes : réflexions autour de la PDN informatique

 

— Dans le groupe de discussion, un constat s'est imposé, celui de la contre-productivité de la PDN sur ordinateur. L'expérience des uns et des autres tend en effet à montrer une diminution de l’efficacité de la PDN par ce moyen dans la mesure où pour nombre d'élèves, l'ordinateur est devenu un puissant facteur de dispersion d'une attention déjà initialement fluctuante et en particulier de distraction du cours (jeux, messages, achats en ligne, visionnage de séries... ). On sait par ailleurs, grâce aux études menées sur le sujet, que taper un texte ne fait pas du tout mémoriser les choses de la même manière. La remarque demeure vraie que les élèves écrivent selon un style télégraphique ou qu'ils écrivent tout, à la virgule près, jusqu'à la respiration de l'enseignant. Par le style télégraphique, les élèves se contentent souvent d'une suite de mots qui sur le coup font peut-être sens, mais ne permettent pas de ressaisir le mouvement de ce qui a été dit. Or on pense par phrases, pas par mots, d'où – en particulier - la contre-productivité du style télégraphique. Par la prise systématique du discours de l'enseignant, la masse de notes retenue par les élèves n'est qu'une transcription du cours, avec toutes les redites et répétitions qui caractérisent un cours. La PDN n'est alors « que 'la copie' de ce qui est entendu » [1] De plus, en raison de la masse de notes, la révision du cours est, sinon décourageante, du moins exige un travail - considérable - de sélection que les élèves ne sont pas toujours en capacité d'accomplir. Dans les deux occurrences, la PDN a tendance à devenir mécanique et cesse par là même d'être un acte réfléchi. Le travail (difficile en Terminale) d'analyse et de synthèse, nécessaire à la PDN, n'est pas fait. Ces éléments se doivent sans doute d'être nuancés en ce qui concerne les élèves souffrant d'un trouble orthographique avéré (dyslexie, dysorthographie et dysgraphie) qui s'en sortent souvent mieux grâce à l'usage de l'ordinateur et sont en demande de son usage. Il en va quelquefois de même pour des élèves très sérieux parce qu'elles/ils tapent plus vite et en conséquence réussissent à prendre mieux le cours et à organiser leurs notes pour s'en resservir ultérieurement. Dans le cas d'un trouble orthographique, il paraît cohérent, sans qu'il y ait contestation de la part des autres élèves, de permettre la PDN au moyen de l'ordinateur. Dans le second cas, celui des élèves sérieux, le fait d'interdire aux uns et de permettre à d'autres, n'est pas sans poser quelques problèmes. Une telle pratique, pouvant être jugée discriminante, demeure assez difficile à gérer et ne permet pas aisément de parer la contestation, y compris celle des parents. Il faut donc que les règles qui définissent l'usage de l'ordinateur en vue de la PDN soient parfaitement établies en début d’année et, le cas échéant, rappelées à certains moments. Il faut en outre veiller à ce que ces règles d'usage de l'ordinateur soient en conformité avec le règlement intérieur fixé par l'établissement.

— Quelle est la réglementation en la matière ? Il n'y a pas de directive ministérielle en la matière.  Pour des raisons et selon des arguments divers, dans certains établissements, les directions défendent le principe de la PDN sur ordinateur et ne laissent pas le choix aux professeurs, (ce point est à vérifier : ne pas laisser le choix n'est pas légal car ce n'est pas statutairement défini). De ce fait, il est important de vérifier que le droit du professeur à gérer l'usage de l'ordinateur dans son cours (pour la PDN en particulier) soit inscrit dans le règlement intérieur de l'établissement.

 

Par suite, sans un apprentissage spécifique, une discipline et un engagement individuels des élèves, l'usage systématique de l'ordinateur pour la PDN ne paraît pas constituer le meilleur moyen de se préparer aux études supérieures, et cela d’autant moins qu’à l’encontre de certaines idées reçues, nombreux sont les cours d’université où les ordinateurs sont interdits.

 

> Les avantages de la PDN manuscrite :  plusieurs remarques semblent s'imposer là encore

 

— A l'évidence, la PDN manuscrite se distingue de la PDN informatique.  Car, sauf dans le cas d'un débit de paroles particulièrement lent (assez peu efficace au demeurant) et à moins de disposer d'un code spécifique normé (sténographique, par exemple) la vitesse d'élocution n'est pas comparable à la vitesse d'écriture. En conséquence, dans la PDN manuscrite, la manière de prendre des notes, mais aussi le contenu retenu sont nécessairement différents. Il est en effet rare, que dans la PDN manuscrite, on se contente de mots ou d'une reprise textuelle du discours de l'enseignant, ce qui au demeurant ne serait plus une PDN. Et, parce que « Noter, c’est écrire dans l’urgence »[2],  l'écriture manuscrite implique d'emblée une synthèse ou tout au moins une sélection, de ce qui est entendu, elle consiste davantage à incorporer des idées.

— En outre, on observe régulièrement chez les élèves un rapport affectif au cours. Les dessins en marge de leurs notes, notamment, ne sont rarement que le signe de leur ennui et d'une recherche de distraction. Interrogés, les élèves déclarent fréquemment que c'est là une manière de se concentrer et par conséquent de gagner en attention en libérant la main au profit de la pensée. Le dessin pourrait s'interpréter comme un mode de participation au cours.  Lors de la reprise des notes, le dessin peut permettre de se remémorer des moments du cours par association avec ces marques temporelles auxquelles les dessins, faits en marge, peuvent se comparer.

La PDN manuscrite engage, de fait, une autre mémorisation que la PDN informatique.

 

 

1b. Ce qu'il est utile de faire : la prise de notes ne relève pas exclusivement des élèves, mais également et de façon indissociable, du cours lui-même, de son organisation comme de ses modalités

 

— Un principe nous a semblé devoir guider ici la réflexion : ne pas tout donner aux élèves (par la mise à disposition d'une version rédigée ou synthétique du cours ou par la dictée systématique d'une synthèse), mais leur offrir les moyens de construire, par eux-mêmes, leur pensée. L'aptitude à intégrer une idée tient à l'effort déployé pour la ressaisir l'essentiel et en rendre compte. Des exercices spécifiques peuvent être proposés aux élèves afin de les accoutumer à cette pratique. Il est par exemple possible d'organiser une séquence d'explication de 5 minutes, sans PDN, avant de demander aux élèves de rédiger ce qu'ils ont retenu.  Puis d'en interroger quelques-uns. La partie 2 du présent document, intitulé Exercice spécifiquement consacré à la PDN, pourra être consultée avec profit pour d'autres exemples.

— Néanmoins, si l'élaboration du cours ne peut être soumis à la PDN, il va de soi que la 'lisibilité' de la démarche intellectuelle de celui-ci impacte la capacité des élèves à opérer le travail nécessaire à la PDN.  Ainsi sans rien sacrifier à la dimension philosophique du cours au profit d'un mode opératoire mécanique, son organisation suivant un ordre du type argument, explication, définition, exemple, qui correspond assez bien à l'exercice philosophique, pourrait être repris dans les différentes articulations du cours ou moments problématiques.

— Concernant l'exemple, il nous a semblé qu'une attention particulière devait être portée à sa PDN. Moment un peu différent, moins conceptuel, plus « concret » pour les élèves, plus narratif quelquefois, faisant appel à l'expérience commune ou à des champs de connaissances autres, durant lequel il arrive que les élèves posent leur stylo, L’exemple peut paraître secondaire dans l'économie globale d'une séance et ne pas exiger une PDN. Or, -nous le savons - l'exemple est essentiel pour illustrer une analyse, en soupeser la validité, le bien-fondé ou pour en clarifier la compréhension. Sa PDN est donc indispensable. Pour en favoriser la mémorisation, rien ne s'oppose à en faire un temps plus ludique (mais sans relâche), plus sympathique ou moins austère, plus anecdotique (quand l'exemple consiste en une simple illustration factuelle), un temps commun de recherche, de discussion, de partage. Il est en tout cas essentiel de donner à l'exemple toute la place qui lui revient et de prendre le temps pour le faire. Évoquer avec les élèves le rôle de l'exemple et à l'occasion en profiter pour rappeler la nécessité de l'exemple dans la dissertation comme dans l'explication de texte (qu'en l'occurrence, il soit inventé par l'élève ou proposé par l'auteur) ne serait pas contre-productif.

— De surcroît, parce que dans un cours, la pensée s'éloigne toujours un peu de sa ligne directrice et ne peut empêcher les méandres, apartés et répétitions, il est important que dans la PDN le fil du cours soit clairement séparé de ses digressions, par le choix d'une couleur spécifique, par un signalement en marge, un encadré ou toute autre codification propre à l'élève.

— Pour les abréviations, spontanément corrélées à l'exercice de la PDN, peut-être vaut-il mieux les indiquer au fur et à mesure des séances plutôt que d'en distribuer une liste et s'en tenir aux plus usitées d'entre elles (par exemple ics pour inconscient ; w pour travail ….) pour éviter leur multiplication ou un emploi trop systématique, qui  risque de faire  perdre en compréhension de la PDN au moment de la relecture.

— Liée à la PDN, la fiche de synthèse est un autre moyen pour les élèves de ressaisir l'essentiel d'un cours et de s'en emparer, ce qui implique que la fiche soit bien une synthèse et non une reproduction du cours. Avec le souci de donner aux élèves les moyens de leur autonomie, une première fiche - qui servira d'exemple - pourrait être établie en commun. Un format A5 (recto-verso) permet de consigner les enjeux philosophiques, les concepts déterminants, la structure d'un traitement, quelques références éventuellement. Durant l'année, différents groupes pourront être chargés d'élaborer des fiches pour l'ensemble de la classe. Voir le point 3 sur la PDN coopérative.

— Dans la même perspective, pour aider les élèves à s'emparer du cours, il n'est pas sans intérêt de leur indiquer les acquis attendus : concepts clés, repères, points précis d'analyse, qu'on prendra le soin de récapituler à la fin d'un cours, à l'oral, par le biais d'une fiche distribuée, d'un affichage sur moodle.

— Sans que la remarque concerne directement la PDN, il peut être tout à fait intéressant en début d'heure de proposer à un élève de faire la synthèse d'une partie du cours antérieur ou de sa totalité, soit en guise de rappel de ce qui a été vu, de vérification pour l'enseignant de ce qui a été compris ou retenu ou de la manière dont cela l'a été. De même, poser une question transversale ou de dissertation en fin ou en début de séance, voire durant la séance, après un point d'analyse oblige les élèves à se ressaisir du cours comme dans une PDN.

— Enfin, imposer l'usage d'un cahier est un bon moyen d'assurer aux élèves un suivi de leur PDN et à l'enseignant de conserver un regard sur le travail des élèves au fur et à mesure des séances, ce qui implique une vérification de la bonne tenue des cahiers. La méthode est critiquable en terminale et peut sembler aller à l'encontre de la formation des élèves à l'autonomie.  Il s'agit davantage ici d'envisager l'usage d'un cahier comme un moyen non de soumettre les élèves à l'autorité de contrôle de l'enseignant, mais de donner à comprendre que l'apprentissage exige une certaine gestion de la PDN par les élèves, peu conciliable avec des feuilles volantes perdues au fond d'un sac ou oubliées chez soi.

 

En conclusion à la première partie de ce travail de réflexion sur la PDN, on peut dire qu'il y a une manière de questionner la PDN dans notre pratique d'enseignant. La lisibilité de nos cours, la clarté des objectifs poursuivis, le retour régulier sur les enjeux problématiques engagés sont autant de composants déterminants. En un mot, le cours doit faire sens pour que la prise de note puisse elle-même faire sens pour les élèves, autant au moment de la PDN proprement dite que de sa reprise.  L'enjeu de la PDN fait partie intégrante de l'acte de philosopher d'un cours. 

 

 

2. Exercices spécifiquement consacrés à l'apprentissage de la prise de notes

Il peut être opportun de proposer ce type d'exercice en début d'année, pour favoriser de bonnes habitudes.

 

2.1. Première étape :

Le professeur lit un texte philosophique abordable, d'environ 40 à 50 lignes, à haute voix, une seule fois mais suffisamment lentement, avec le ton qui convient. Les élèves sont invités à prendre le texte en notes.

 

2.2. Deuxième étape : Le but étant de restituer ce que l'un·e ou l'autre des élèves a pris en notes, on peut procéder de plusieurs manières :

— la plus simple est de disposer d'un rétroprojecteur permettant de faire apparaître la page au tableau ;

— ou bien on photographie cette page, que l'on projette par le truchement de la messagerie ou d'une clé USB, de l'ordinateur de la salle et du vidéoprojecteur ;

— ou encore on profite de l'interclasse pour photocopier les quelques pages qu'on aura choisies afin que chaque élève ait en main un exemplaire de ce qui sera collectivement examiné.

 

2.3. Troisième étape :

Il s'agit ensuite d'observer, pour chacune des pages projetées, les moyens employés par l'élève pour organiser sa prise de notes.

Ce moment, s'il bénéficie de la participation de la classe, est l'occasion de voir avec les élèves ce qui marche et ce qui ne marche pas. On se demandera : qu'est-ce qui mérite d'être reproduit ? qu'est-ce qui doit être évité ?

Plus concrètement, on se rendra attentif à deux aspects, en sachant qu'il n'y a pas lieu de les considérer comme des catégories séparées :

 

2.3a. La présentation générale (la forme) :

Deux formes marquent les extrémités du spectre : le bloc compact, où les phrases se suivent sans passage à la ligne ; des passages à la ligne après chaque phrase.

Il s'agit de montrer ici les inconvénients de chacune de ces options, en suggérant qu'une prise de notes bien présentée doit rendre perceptible la structure du propos.

On remarquera notamment que le passage à la ligne devrait marquer le passage à une idée nouvelle, et que la phrase ou le paragraphe commencé en retrait par rapport à la marge ouvre un propos subordonné à l'idée principale formulée par la phrase sans retrait par rapport à la marge.

Il s'agira aussi d'examiner l'usage des signes de ponctuation, en particulier les tirets et les flèches. On observera en particulier que les élèves ne sont pas toujours au clair sur le sens qu'ils donnent à leurs flèches : s'agit-il d'une inférence logique (une conséquence) ou d'une illustration, par un exemple, de l'assertion qui précède ?

Ceci donnera l'occasion de donner des éclairages sur l'emploi des opérateurs mathématiques ou logiques (par exemple ∀ pour « tous les – », ∃ pour « il y a – », ⟹ pour l'implication, ⟺ pour l'équivalence, ⇄ pour la réciprocité, etc.), dont l'usage est conseillé à condition que l'élève soit au clair sur ces outils de connexion.

 

2.3b. Le contenu (le fond) :

Il s'agit surtout de voir si au travers de telle ou telle prise de notes, le texte a été compris. Ici aussi, l'échange, la confrontation des points de vue, peuvent s'avérer fructueux, car cela encourage chacun à sortir de sa représentation, de la réviser, de la réélaborer pour parvenir à un propos adéquat et ainsi légitime. Ainsi est favorisée pour la suite, dès le travail de prise de notes, la disposition à la publicité, au sens où l'élève n'écrit pas seulement pour lui-même et l'impression subjective qu'il a de comprendre, mais où c'est plutôt dans le mouvement vers une restitution potentielle à d'autres qu'émergera une compréhension plus robuste et légitime.

Ce moment d'examen collectif donne aussi l'occasion de conseiller de souligner les concepts. Dans le feu de l'action, ce repérage n'est peut-être pas toujours évident pour l'élève, mais il gagne à revenir dans les minutes qui suivent ou plus tard sur ce qu'il a noté pour le retravailler.

Ainsi, il ne faut pas sacraliser le cours pris en notes — il est important de le retravailler.

Les échanges donnent également l'occasion de suggérer aux élèves de souligner dans leur prise de notes les mots inscrits au tableau.

D'une manière générale, les élèves ont du mal à surligner ce qui est important.

 

2.4. Première variante :

Celle-ci concerne la deuxième étape, à laquelle il s'agit de substituer la demande aux élèves de parler du texte lu à partir de leur prise de notes. La question étant : qu'est-ce qu'ils ont compris ? Ces échanges, outre l'avantage mentionné plus haut, peuvent donner lieu à un travail collectif intéressant.

 

2.5. Deuxième variante :

Il s'agit ici, en guise de deuxième étape, de demander à trois élèves de restituer chacun un tiers de sa prise de notes du texte lu par le professeur. Cet exercice permet de voir si chacun a retenu ce qui est important et si les trois parties sont susceptibles de s'articuler correctement entre elles, en particulier dans l'esprit de chacun des trois élèves.

 

2.6. Troisième variante :

Cette variante consiste à inviter les élèves à prendre leurs notes en suivant l'extrait d'un film, avec une question directrice. Par exemple, après une projection de l'une ou l'autre des six séquences du film Les nouveaux sauvages de Damián Szifron, demander ce qui est à l'origine de l'acte violent.

Il s'agit ensuite de proposer, à partir de cette PDN, de rédiger un travail et de le rendre une semaine après.

 

Il est bien entendu utile de reproduire ces exercices au fil de l'année.

 

 

 

 

3. La prise de notes coopérative

 

 

                Afin de faciliter une pratique qui pourrait paraître laborieuse (voire inaccessible pour certains élèves), nous avons pensé qu'une prise de notes du cours de philosophie sur le mode coopératif pouvait s'expérimenter.

On le sait, la philosophie exige une capacité au dialogue, à la délibération, à la discussion : des aptitudes qui se développent davantage qu'on échange avec d'autre que soi. Si on veut penser une pratique de la prise de notes qui soit véritablement philosophique, cela aurait alors du sens de l'envisager sur le mode de la coopération entre élèves. Toute la question est de savoir comment appliquer ce principe. Autant à l'oral, avec le cours dialogué ou le travail en autonomie en groupes, cela semble réalisable sans trop de difficultés, mais la prise de notes paraît un travail avant tout solitaire, que celui qui écoute maîtrise par l'aptitude qu'il a acquise à discriminer ce qui mérite de garder une trace de ce qui peut être seulement écouté en classe. Comment pourrait-on penser de manière collective le processus de tri et de réflexion de la prise de notes du cours de philosophie ?

 

Ce dont nous sommes convaincus, c'est que la comparaison des notes prises par les élèves enrichirait leur propre travail. Là où certains estiment que tels propos doivent être retenus, d'autres se seraient sûrement concentrés (tout autant légitimement) sur d'autres éléments. Mais il ne s'agirait alors que d'une comparaison en aval du cours, qui rajouterait du travail aux élèves. Bien qu'on ne saurait douter de leur intérêt et de leur investissement dans le cours de philosophie, on est bien conscient qu'attendre une telle reprise de leur part relève au mieux d'un prompt optimisme. Une prise de note personnelle nécessite une relecture voire une réécriture — dans le travail minimum de la "mise au propre". Et la prise de note collective ne semble pas déroger à ce principe. Elle ne donnerait pas moins de travail aux élèves mais leur permettrait peut-être de mieux travailler, dans la mesure où la mise en commun enrichirait leurs traces écrites. Encore une fois : si on envisage la philosophie comme un tissu qui se "tricote" au contact des arguments des autres, une prise de note qui se veut philosophique ne pourrait pas souhaiter faire l'économie de la coopération.

Si le travail de réflexion philosophique ne saurait qu'être encouragé par le coopération des élèves entre eux, tâchons de voir si cela serait applicable au processus de la prise de note durant la séance — et non pas après celle-ci.

 

La manière la plus simple (et la plus intuitive) pour mettre en place un système de prise de notes collectif semble être de désigner un élève pour servir de "secrétaire / scribe" pour l'ensemble de la classe, le temps de la séance. A la fin de celle-ci, on réserverait quelques minutes pour que le scribe expose au reste de la classe la trace écrite qu'il a prise, et ils l'intégreraient à la leur. On conçoit assez rapidement un bémol à ce dispositif : certains élèves pourraient bien se reposer sur le "scribe" et ne prendraient pas de trace écrite du cours, hormis ce qu'il leur livrera. Ce que nous visons n'est pas de remplacer le travail de trente élèves par celui d'un(e) seul(e), mais de le compléter en nous assurant qu'ils bénéficieront tous des mêmes éléments écrits. Pour rendre le dispositif incitatif / contraignant, on pourrait envisager de valoriser le "scribe" (pourquoi pas même le gratifier avec une note), et de pénaliser les élèves indélicats qui lui laisseraient tout le travail. Certains collègues vérifient déjà que leurs élèves aient bien une trace écrite de leurs cours, en "ramassant les cahiers" de certains, aléatoirement. On comprend tous que cela demanderait alors un travail supplémentaire (en plus de la correction des copies, de la préparation des cours), mais peut-être peu chronophage ou énergivore, si on se limite à quatre ou cinq "cahiers" par semaine, par exemple. Cela obligerait cependant l'enseignant(e) à penser son cours sur l'unité réduite de la séance. Si on veut pouvoir faire une reprise des notes du "scribe" à la fin d'une séance par l'ensemble de la classe, cela sera plus facile si l'heure ou les deux heures du cours forment une unité bien délimitée. Ce dispositif exige alors une adaptation du déroulement du cours qui ne conviendrait pas forcément à chacun(e) d'entre nous.

 

A l'ère du numérique, de nombreux outils pourraient bien favoriser une prise de note coopérative. Nous proposons deux outils ci-dessous à cette fin, et tâcherons d'en analyser l'intérêt mais aussi les limites.

 

I) Google Doc

Outil de traitement de texte en ligne (https://www.google.fr/intl/fr/docs/about/), Google Doc permet de créer un document stocké sur l'internet, partageable entre un nombre défini d'utilisateurs, qui pourront y travailler simultanément. Le principe a l'air séduisant, mais comment organiser le travail de rédaction ? On pourrait imaginer qu'Untel note les vingt premières minutes de la séance, un autre prend le relais ensuite, etc, jusqu'à la fin de la séance. L'intérêt de ce dispositif est qu'il rendrait davantage disponibles à l'écoute du cours ceux qui ne seraient pas "accaparés" par la prise de note du groupe. Et vu que le principe est dans le partage de la tâche - en la limitant à quelques minutes par participants, aucun d'entre eux ne serait lésé par le fait de devenir le "scribe du groupe".

Plusieurs limites nous semblent cependant invalider l'usage de Google Doc en classe. D'abord, la responsabilité incombant à celui qui sera scribe pourrait être un poids pour lui. S'il manque d'attention, baille, éternue ou autre, il pourrait bien passer à côté d'un élément important. Sa vigilance doit donc être totale. Pour quelques minutes, cela semble néanmoins raisonnable et à la portée d'un élève de classe de Terminale. Une autre difficulté pourrait se trouver dans la confiance qu'un tel dispositif exige. Chaque participant dépend totalement de l'investissement des autres au moment où ils devront prendre les notes. Mais là aussi, rien d'aberrant à exiger ce sérieux minimum de nos élèves - sans compter que cela souderait sûrement davantage le groupe de travail.

En nous penchant davantage sur l'utilisation du support Google Doc, nous avons constatés qu'il était nécessaire de posséder au moins un compte gmail pour l'utiliser. Le propriétaire du document pourra ensuite "inviter" les autres utilisateurs à l'utiliser sans avoir à renseigner d'adresse mail. Mais celui qui crée le document ne pourra pas faire autrement que se servir de son compte gmail ou d'en créer un, chose qu'on ne peut exiger de la part des élèves, Google se faisant régulièrement rappeler à l'ordre par les autorités pour manquement aux exigences en matière de protection des données personnelles (RGPD). Ceci causerait un problème difficilement surmontable, ne serait-ce que sur le plan juridique. Nous ne saurions alors que déconseiller vivement l'utilisation de Google Doc, et pas uniquement par rapport à la prise de notes coopérative.

 

II) Framapad

Au cours de notre travail, nous avons rencontré un autre outil en ligne bien moins problématique pour notre projet. Sur le même principe que Google Doc, Framapad propose un logiciel de traitement de texte participatif en ligne. A la différence près (cruciale selon nous) qu'il ne requiert aucune inscription en ligne. Sur la page d'accueil du site (https://framapad.org/abc/fr/), Framapad propose au visiteur de "créer un pad public", c'est-à-dire un document coopératif en ligne qui ne requiert que deux choses : renseigner un nom pour le document (le "pad") et une durée où on souhaite pouvoir y accéder pour y contribuer (de une semaine à un an). Une fois le document généré, une marche à suivre détaillée et très claire est indiquée en corps de texte pour l'utilisateur, qui peut choisir de la conserver dans le pad pour les autres utilisateurs ou de la supprimer avant de commencer à rédiger. Pour ce faire, il lui suffit de renseigner son nom (et rien d'autre), puis de choisir une couleur qui correspondra à ses ajouts au document. Pour ajouter des participants au pad, il suffit qu'ils rentrent le lien du document (qui s'affiche au moment de la création du pad ou dans l'URL) dans leur navigateur internet, qui leur proposera à leur tour de rajouter leur nom et de choisir une couleur pour leurs contributions.

Framapad nous semble être un outil très séduisant pour la prise de notes participatives. Très intuitif, il permet d'identifier clairement qui participe et de quelle manière à la prise de notes. Le créateur du document pouvant choisir sa "durée de vie", on peut avoir une trace de toutes les prises de notes qu'on conservera sur l'année scolaire dans sa globalité. On pourra aussi préférer de la rendre plus éphémère, pour s'assurer que les élèves soient réguliers dans leur investissement dans le report de la prise de notes du pad dans leurs propres traces écrites. Le document généré propose une quantité impressionnante d'options : on peut annoter ce que d'autres utilisateurs ont écrit, importer des documents dans le pad (fichiers textes, images), suivre les modifications faites, qui sont enregistrées automatiquement à mesure que les utilisateurs contribuent. Le paramétrage du document en ligne est riche et facile à utiliser. Sans oublier que Framapad est le produit d'une association française (Framasoft), là où Google Doc appartient à un des géants des GAFA. En plus d'être pratique, le choix revêt une dimension éthique. 

 

Un bémol conséquent doit être cependant souligné : les deux outils que nous proposons (dont un seul est réellement utilisable) s'inscrit dans une condition : l'usage du numérique que notre suggestion exige. Il faudrait que le secrétaire travaille sur ordinateur, étant donné que le support utilisé (Framapad) est totalement numérique. Or certains professeurs de philosophie pourraient tout bonnement bannir l'usage de l'ordinateur de leurs cours (pour des motifs pédagogiques ou sanitaires dont la légitimité n'est pas le propos ici).

Notons cependant qu'avec le dispositif que nous proposons, il ne s'agira pas d'avoir trente écrans face à soi dans la salle de classe. Pour une séance de deux heures de cours de philosophie, on pourrait imaginer former des groupes de six élèves, chacun prenant les notes pour tous sur une durée de vingt minutes. Nous n'aurions alors que cinq élèves par classe (au pire six pour une classe de trente-cinq) qui travailleraient sur écran au même moment. On limiterait aussi drastiquement le temps d'exposition qu'on exigerait de la part de chaque élève face à leur écran : ne passant que vingt minutes sur les deux heures de la séance à prendre des notes pour leur groupe, ils ne seraient exposés qu'environ 15% du temps de la séance à la lumière bleue. On pourrait ainsi ne pas se priver des atouts listés ci-dessus au sujet de Framapad, tout en conservant une préoccupation légitime pour l'attention des élèves en classe ainsi que pour leur santé.

 

Que ce soit sur un support papier ou en passant par l'outil numérique, la prise de notes participatives nous semble donc pouvoir s'envisager en tant que travail philosophique pendant le cours de philosophie. Celle-ci ne demanderait pas davantage de travail qu'une prise de notes individuelles plus "traditionnelle", mais exigerait cependant un investissement dans une dynamique de groupe — dont les élèves de série générale pourraient être demandeurs, vu le peu de temps qu'ils passent désormais en classe entière depuis la réforme des lycées et programmes.

 

 

 

 

4. Trois exercices à faire durant le cours ou à part

 

                L’une des difficultés de la prise de note tient au fait que les élèves ont du mal à saisir la signification exacte d’un énoncé. Parfois, en reformulant une phrase, ils en modifient plus ou moins gravement la signification. Ces erreurs de traduction peuvent aussi les conduire à répondre à côté d’un sujet de dissertation ou à commettre des contresens sur les textes. Or comprendre et reformuler constituent des compétences courantes indispensables non seulement à l’activité scolaire et philosophique mais à la vie en général. Dans « L’honneur d’un capitaine », Pierre Schoendoerffer montre une scène horrible : un sergent sur une colline détient un prisonnier et appelle son lieutenant pour savoir quoi faire. L’officier lui dit de le descendre de la colline : « descendez-le ». Le sergent hésite. On entend une détonation. Autre exemple, comparons ces deux questions.

 

La science permet-elle seulement de connaître la nature ?

La science permet-elle de connaître seulement la nature ?

 

                On voit bien que selon le positionnement de l’adverbe, la restriction ne portera pas sur la même chose. Or nos élèves n’ont pas forcément la capacité de percevoir ces subtilités. Voici donc deux exercices qui peuvent aider nos élèves à améliorer leur compréhension fine du sens d’un énoncé et leur capacité à reformuler.

               

4a. Traduction franco-française.

 

                Chaque exercice consiste à présenter une phrase et plusieurs « traductions », plusieurs reformulations. Les élèves choisissent laquelle leur semble la plus conforme à l’original et doivent oralement justifier leur choix. Voici la feuille d’exercice telle qu’elle peut être distribuée en classe.

 

 

Exercice de traduction franco-française

 

                À chaque énoncé « P » correspondent plusieurs phrases dont certaines seulement signifient la même chose. Parfois une seule correspond, ou peut-être aucune. Identifiez ces phrases et justifiez vos réponses qu’elles soient positives ou négatives. Ainsi B traduit correctement P parce que ce mot etc. Mais D déforme le sens de P parce que...

 

 

P1 : « On peut se forcer à être heureux. »

 

Equivalents proposés :

A  À force d’effort on peut gagner son bonheur.

B On a le pouvoir et le droit de se faire violence à soi-même si cela permet d’atteindre le bonheur.

C On peut imposer en soi le sentiment d’un bonheur qui ne correspond pas la réalité.

D On peut forcer quelqu’un à être heureux.

 

 

P 2 : « La rose est sans pourquoi. »

 

Equivalents proposés :

A La rose est un mystère pour les botanistes.

B L’amour symbolisé par la rose vient sans prévenir et surgit sans raison.

C L’être de la rose, comme phénomène esthétique, ne réclame pas de justification, ce qui montre la limite du principe de raison.

D La rose ne pose pas de question.

E La beauté de la rose ne se démontre pas.

 

 

P3 : « Il faut détester le péché et aimer le pécheur »

 

Equivalents proposés :

A Il faut aimer les gens tels qu’ils sont.

B On ne peut pas juger les personnes.

C On peut détester le mal que l’on subit mais pas les choix que les gens font.

D Il faut condamner et haïr les actes mauvais tout en étant prêt à pardonner.

E Aucun homme ne se réduit au mal qu’il a fait, il faut combattre ce mal mais vouloir le bien de son auteur.

 

 

P 4 : « Ma conscience m’oblige à faire ce travail. »

 

Equivalents proposés :

A Je me sens tenu de faire ce travail.

B J’ai absolument besoin de faire ce travail.

C Ce travail m’est imposé, je n’ai pas le choix.

D Ce travail, je le fais par nécessité.

E Je dois faire ce travail.

F Mon devoir est de faire ce travail.

G Il n’est pas possible que je ne fasse pas ce travail.

 

 

P 5 : « J’assume pleinement ma vérité. »

 

Equivalents proposés :

A Je suis prêt à accepter toutes le conséquences de la vérité.

B J’admets tout ce qui est vrai.

C Je défendrai jusqu’au bout mes opinions et mes choix.

D J’admets les faits même s’ils contredisent mes intérêts et mes croyances.

E Je ne cacherai pas mes opinions.

F J’assume totalement ce que je suis.

 

 

P 6 : « La philosophie ne vaut rien comme instrument. »

 

Equivalents proposés :

A La philosophie ne sert à rien.

B La philosophie est plutôt une fin qu’un moyen.

C On ne peut rien faire dans la vie avec de la philosophie.

D La philosophie n’a pas de sens puisqu’elle n’a pas de valeur pour l’instruction.

E La philosophie est inefficace dans le monde du travail.

F La philosophie est toujours décevante quand on veut s’en servir.

G La philosophie ne sert l’homme que quand il refuse de s’en servir.

 

 

P 7 : « Il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir. »

 

Equivalents proposés :

A Il faut vivre en ignorant la mort.

B Il faut vivre en considérant que la mort n’est jamais une obligation morale, que mourir est un fait, pas un acte que nous devrions accomplir.

C Il faut vivre dans l’illusion que la mort ne nous prendra pas.

D Il faut vivre de manière à ne pas mourir.

E Il faut vivre sans penser à la mort.

 

 

P 8 : «  A chaque jour suffit sa peine. »

 

Equivalents proposés :

A A chaque jour correspond une nouvelle douleur.

B Chaque jour suffit à nous peiner.

C Inutile de se soucier aujourd’hui de ce qui arrivera plus tard.

D C’est la peine qui donne à chaque jour sa consistance.

E Carpe diem

F Demain appartient à des forces qui nous échappent, contentons-nous de subir les épreuves qu’elle nous envoie.

 

 

                Cet exercice est plutôt bien accueilli par les élèves. On peut le faire directement en classe ou le préparer chez soi, ou un peu des deux. On peut même organiser des compétitions. Mais j’ai surtout apprécié les discussions qui naissaient au moment de justifier les choix. Il arrive que le corrigé ne soit pas absolument indiscutable. Tant mieux ! La discussion éveillera nos élèves aux bienfaits de l’acribie.

 

 

4b. Rédaction de mémoire.

 

                Exercice : à faire durant le cours. Au lieu de parler ou de dicter en demandant aux élèves de noter au fur et à mesure (ce que nous faisons habituellement, et c’est bien normal), demander aux élèves de poser leur stylo. Donner la consigne : je vais vous expliquer une chose. Vous allez écouter, sans rien noter. Puis je vous laisserai cinq minutes pour rédiger vous-mêmes un résumé de l’explication donnée. Ensuite je vous demanderai de lire le résumé que vous aurez fait.

 

                Honnêtement, il faut avouer que les élèves apprécient moyennement cet exercice. La raison en est probablement qu’il est plus exigeant que la prise de notes classique. Néanmoins il présente un triple avantage.

 

                Il fait travailler l’attention et la mémoire, disons même une mémoire moyenne. Car il faut garder en tête un développement intellectuel qui s’étire sur environ trois à cinq minutes. C’est déjà beaucoup plus que ce dont ils ont l’habitude. À l’heure de l’immédiateté des réseaux, de tweeter, de snapchat et du scrowling sur « reals », ils ont, plus que jamais, besoin d’étirer leur attention, de rallonger ce que saint Augustin appelait la « distensio animi », ce présent étendu qui conserve le passé immédiat, recueille le passage du présent et attend ce qui arrive. Pour certains d’entre eux, il s’agira presque de faire travailler un muscle qui s’est atrophié par inutilisation.

 

                C’est aussi un exercice de fidélité à l’ordre logique dans lequel une suite d’énoncés est donnée. En effet, s’ils commencent leur résumé par la fin ou par le milieu du raisonnement, ils s’apercevront rapidement que celui-ci s’enchaîne moins bien que dans le discours du professeur. Nous avons appris, avec notre plus ou moins longue expérience, à ajointer les énoncés, à faire sonner les mots, les évocations et les images pour produire une certaine clarté. Nos élèves n’ont évidemment pas cette perspicacité. Ils doivent donc faire preuve de docilité : accepter de suivre un raisonnement avec une précision qu’ils n’éprouvent généralement que dans l’univocité des démonstrations mathématiques.

 

                Enfin, cet exercice oblige nos élèves à rédiger un raisonnement, ce qu’ils ont aussi du mal à faire. Formuler une pensée, même si elle est claire et fraichement donnée, c’est un exercice très fastidieux pour tous ceux qui n’ont pas coutume de parler de philosophie ni de participer. Or il s’agit exactement d’une compétence indispensable à la composition écrite. Si cet exercice est réalisé régulièrement, non seulement ils apprendront à écouter, mémoriser et restituer un raisonnement, mais ils développeront aussi leur aptitude à formuler un discours avec précision.

 

                Par exemple, on leur explique les concepts de libre arbitre et de déterminisme en quatre points.

 

1 Définition : pouvoir que possède l’être humain de choisir une chose ou bien une autre.

2 Corollaire : Posséder ce pouvoir suppose d’affirmer que même si X choisit A plutôt que B, il aurait tout aussi bien pu choir B.

3 Enjeux : le libre arbitre fonde notre responsabilité morale (par laquelle on admire le héros qui aurait aussi pu choisir de ne pas prendre de risque), notre responsabilité juridique, et, dans un contexte religieux, notre responsabilité spirituelle quant à notre éternité. C’est du reste dans ce contexte que s’est déployée la notion de libre arbitre, chez Saint Augustin et son De libero arbitrio, puis au cours de la controverse opposant Luther à Erasme.

4 réfutation déterministe : dans une ontologie mécaniste (naturaliste ou matérialiste) le choix A s’est forcément produit, comme tout autre fait de nature, parce qu’une cause était suffisante pour qu’il se produise en sorte que si X choisit A, il serait illusoire de croire qu’il aurait pu choisir B. Annihilation du libre arbitre : Leibniz ou Spinoza.

 

                L’enchainement est peut-être un peu long et pourrait être coupé en deux séquences. En tous cas, une chose apparaîtra clairement : si l’élève élude le corollaire, il ne parviendra pas à comprendre la réfutation. S’il élimine les enjeux, son raisonnement manquera de souligner le caractère transgressif du déterminisme. S’il commence par la fin, le déterminisme, son raisonnement réfutera quelque chose qu’il n’aura pas préalablement identifié. S’il traduit « déterminisme » par influence, il passe à côté du problème et le professeur pourra rappeler que l’affirmation du libre arbitre n’a jamais exclu l’action des influences.

 

 

Demander aux élèves de faire un carnet avec un lexique, puis des fiches-auteur à partir du cours. Vérification des fiches (pas toutes, choisies) après chaque quinzaine de vacances. Important qu'ils retiennent les pensées des philosophes et les concepts. Ils sont donc obligés de prendre des notes et de les lire.

Intérêt : les chapitres du cours ne sont pas censés porter à chaque fois sur une seule notion, mais sur un problème (qui touche en général plusieurs notions).

 

 

4c. Synthétiser les notes entre deux cours.

 

                Il s’agit ici d’exiger de chaque élève qu'il revoie ses notes après le cours et rédige une courte synthèse de ce qu'il a retenu. Au début de la séance suivante, inviter un élève à exposer sa synthèse, puis proposer à ses camarades à compléter, amender, etc., ce qu'il a exposé. Donner à l'élève interrogé, de même qu'à ceux qui auront participé, une note d'oral.

 

Intérêt de cette méthode :

— favoriser la régularité de la PDN,

— favoriser l'implication des élèves,

— et la prise de conscience de la dimension publique de la pensée philosophique (être en mesure de défendre ce qu'on affirme par des arguments communicables destinés à obtenir l'accord d'un public également engagé dans la réflexion).